Cuento del libro La casa del juglar, (Montevideo, ed. de la Banda Oriental, 1996), traducidos al francés por Elena D’All Orto de Perrone.
Le Vieillard marchait lentement comme s'il traînait le Temps.Il était aveugle, mais la légende dit qu'il voyait un serpent de lumière devant lui. Il avait des vêtements couleurs de terre et des mèches de blé sous son chapeau. Il arrivait au hameau désordenné.
-Regarde, les chiens le suivent, formant une colonne -dit le cadet des Ruben, arrêtant sa toupie et faisant rouler ses yeux comme une toupie. Les autres Ruben, accroupis, regardèrent.
-Ce vieillard a dû être croisé avec una bête- il arrêta son prope geste, immobilisa ceux d'à coté,le voisin Mandarán 1'aîné, avec sa voix felée.
-J'y vais et je lui demande ce qu'il veut- tríos arbres plus loin- se hasarda le fiancé de Debiané la moyenne.
Par une longue pente venait le Vieillard traînant une file de chiens et une autre de gens. Lentement, solemnel.
L' air là était différent au Talado, et, s'il avait fait nuit en plein midi, personne ne s'en serait rendu compte. Jamais ils n'avaient été tous ensemble, pas même quand naissait un an ou mourait un vieillard, et cela se produisait seulement après les orages, comme si c'était un autre prodige du Tronador, dieu de la pluie,
C'étaient tous des anciens, parce que nous portons le nom de notre père, nous les hommes, et celui de leur Mère, les femmes. Ils en oubliaient l'âge, et quant au Mystère, ils savaient seulement, que l'eau bénit les récoltes, mais que l` être humain est très loin de la bénédiction.
Mauvaise récolte. C'est pour cela qu'ils avaient les grands puits pour reccueillir de l'eau et, quand il ne pleuvait pas, ils commençaient à se méfier de tout et, résignés, ils buvaient le sang des animaux. Il y avait des temps de grandes sécheresses, temps de boire le sang des aïeuls et des solitaires. C'est pour cela qu'une loi éternelle indiquait que les chaumières devaient être espacées les unes des autres; il y avait ainsi plus de place pour les puits.
La chaumière des Debiané était celle qui avait le plus de puits, car ils étaient beaucoup de frères sans femme qui les creusaient et les agrandissaient et parce que le mari de Debiané la moyenne avait l' habitude de lui en offrir un, à chaque nouvelle lune, pour gagner les bonnes grâces de ses frères.
Les enfants jouaient au puits; ils en faisaient des petits, inutiles, bien sûr, l'un à côté de l'autre -et c'était à qui le ferait le plus profond-. Ensuite, les hommes_les unifiaient, formant un puits unique, peu profond et ample, qui devenait en même temps, le lieu de jeu des enfants pour faire des puits petits et séparés "et à qui ferait le plus profond", à l'infini. La terre des puits entassée semblait un défilé de roches, séparant enconre plus les chaumières.
Cinquante logis de paille et de terre, avec dix ou quinze habitants chacun était le monde por ceux du Talado qui marchaient tous derrière le Vieillard et à côté des chiens.
_Mandarán, qui est le premier, dit que le Vieillard parle entre ses dents.
-Mandarán dit que le Vieillard parle entre ses dents. "Le Vieillard parle", ce fut ce qu`entendit le dernier de la file quand le soleil avait presque fait un tour.
Le Vieillard s'arrêta dans la partie la plus élevée du Mont Pelé et ceux qui arrivaient commencèrent à faire un demi-cercle autour de lui, seulement déformé par le chiens qui flairaient et se retiraient. Ils avaient marché face ou soleil et ils regardaient le Vieillard parmi les derniers rayons. La seule chose capable de satisfaire tant de silence était qu'il volât. Au lieu de le faire il dit: "Ici va naître une rivière" et il marcha de nouveau vers où le soleil avait disparu.
Mandarán fit un pas en arrière por regarder sous ses pieds. Tous firent la même chose et tombèrent ensuite dans una prière muette. Une rivière est de l' eau de la terre semblable à celle du ciel. Tard dans la nuit, ils retournèrent au Talado, chaque famille laissant un représentant por voir le miracle. Cela, c'est l'Histoire, les mots qui firent la vie au Talado.
La garde fut continue parce que "nous devons laisser deux femmes et un homme, jour et nuit". "Comment le ferons- nous, Mandarán, personne ne veut rester sans frère ou soeur. "Nous nous relaierons à chaque changement de lune"- fut la réponse, et ce qu'on fit depuis, racontèrent leurs aîeux à nos aîeux. On fit une haute haie de pierre semi-circulaire, ouverte du Versant où naît le soleil, autour du point indiqué par le Vieillard, por aider à la naissance du fleuve.
Pour les relèves, nous y allions tous et nous apportions un recipient d'eau pour le verser dans l' endroit. L'eau du ciel appellera la rivière. Le hameau changeait d'orientation. Les chaumières et jusquàux puits quittèrent l'endroit sacré. Les portes et les fenêtres se firent de ce côté là; le Talado fut divisé en deux, se regardant dans le miroir du fleuve inexistant.
C'est por cela que quand Mandarán le brun arriva en courant, et que les chiens baissèrent la queue, quand nous nous reunîmes tous, regardant ses yeux égarés, nous entendîmes sans pouvoir comprendre un seul mot, que le Vieillard était apparu. Il se dirigeait vers le Mont de la Rivière, lentement, comme si
elle n'avait été qu'une prophétie qui en ce moment s'accomplissait. Quand nous nous aperçûmes que nous répèterions des gestes déjà faits, nous osâmes aller à sa recontre.
Naquías resta chez lui, moqueur. Il demanda à Mandarán le brun s'il avait dit que du Mont il allait naître une rivière, et le Vieillard lui dit que sa femme aurait des jumeaux, qui à leur tour auraient des jameaux, et que la race noire naîtrait ainsi.
Debiané la mère insista.-¿Vous apportez la rivière?
Les yeux fixes, secs à force de regarder le soleil, sans baisser la tête, il lui répondit que sa fille ainée était couchée avec l'homme qui gardait l'autel du fleuve; elle fuirait par l'Est et elle ne la reverrait plus.
-La rivière, la rivière, la rivière- ce fut le choeur menaçant des bouches fatiguées de répeter des rites, la rivière, avec la gaîté de la découverte du cri.
Démunis, sans nous être concertés, dans l'oubli de nous mêmes et de la crainte du Vieilliard, nous criions. Des générations innombrables, assoiffées avec nous. Et nous reçûmes, tous en même temps, comme si le Vieillard avait une infinité de bouches, la carte de notre avenir, dépliée jusqu'à la dixième génération. Nous le suivîmes soumis.
Le Vieillard se heurta à una pierre et dit: "Demain il pleuvra; l'habitant de cette chaumière mourra noyé; ici va Naître une rivière".
Il se perdit a l'horizon poursuivant le soleil Quand nous retournâmes au Talado, Debiané, la moyenne, ne trouva pas sa soeur; et l'Est, l'endroit par où elle fuirait, retint nos regards jusqu´à ce qu'un bruit jamais entendu avant ni après, denonça la rivière qui descendait la pente, aplatissant la chaumière de Naquías, elle pénétra dans le bois condamné, et suivant la trace de nos aïeux, elle resta là, comme si elle y avait toujours été.